La lisière, potentiel
daccueil
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Conseils de Quartiers, Comités dHabitants, Ateliers de Travail Urbain, Forum pour la Ville, Assises de la Démocratie, les tentatives de renouveler le mode dinterpellation des habitants dans la gestion urbaine sont multiples. Mais les expériences des années 70/80 nous ont appris quil ne suffit pas de décréter la participation pour que celle-ci sinstaure naturellement. Nous devons faire uvre de méthodologie, de technique de conduite de projet, de construction de ces nouveaux espaces publics de débat. Mobilisation et représentativité restent les questions majeures sur lesquelles nous devons apporter des réponses. La demande est multiple. Beaucoup délus sont déçus de leurs rapports aux habitants : continuellement sollicités pour faire des réponses au coup par coup sur les petits dysfonctionnements de la vie quotidienne, ils nont que rarement les moyens de débattre des grandes thématiques qui font la vie en ville et sur lesquelles doit se déterminer une politique. Les habitants sont déçus de la distance qui sinstaure entre leurs élus et eux mêmes, inquiets de ne pas être écoutés. Mais comment construire les lieux de rencontre, déchange et de débat qui les réconcilient ? Simplement, comment permettre aux habitants de se mobiliser ? Les expériences de la politique de la ville ont montré lévidence de la proximité, lefficacité du porte à porte et limportance de la montée descalier pour mobiliser les sans voix qui hésitent à se rendre aux réunions publiques. On a vu aussi limportance de croiser les échelles de territoire jusquaux plus globales si lon voulait se défendre des effets de NIMBY, de repli sur soi et de défense de proximité, comme limportance de croiser les thématiques sous peine de produire des projets monofonctionnels producteurs dexclusion et incapables dévolution dans le temps. Où trouver, dans la ville contemporaine, les espaces daccueil du renouvellement de la démocratie, qui permettent de mettre en jeu des échelles de territoire qui nenferment pas les quartiers sur eux mêmes et cependant qui soient accessibles au plus grand nombre dhabitants ? A suivre les habitants, à les écouter parler de leurs usages et leurs représentations de leur ville, on est obligé de remettre en cause la notion même de quartier, autocentré sur le lieu dhabitat. On travaille loin de chez soi, les enfants vont à lécole sur le parcours, on fait ses courses en choisissant la grande surface, même lointaine, qui fera la meilleure réduction sur une eau minérale... Très vite, cest la notion de zone dinfluence liée à des centralités multiples et évolutives qui prédomine et le parcours devient structurant. Si les grandes avenues de nos centres villes anciens sont les lieux de centralité des quartiers quils traversent, leur rôle en périphérie sinverse : elles constituent les limites des quartiers quelles bordent. Nappartenant à aucun territoire désigné, elles ne sont que des espaces résiduels, voués à la circulation automobile, sans appropriation des habitants. Sauf peut-être par quelques groupes de jeunes à mobylettes, qui sattendent au carrefour, se préparant à descendre en ville, mais finalement, restant là, à surveiller le monde des passants pressés de rentrer au quartier, indifférents à lincohérence de ce lieu quils fréquentent pourtant quotidiennement. Nous sommes en lisière. Au bord. Aux limites. A lorée. Cet espace qui nest ni la forêt, ni la plaine, encore à lombre des arbres mais déjà prairie. Ce lieu sans épaisseur qui nest jamais un refuge mais toujours un point de départ ou de passage. Les règles du jeu changent et sy confrontent. Cest là que le plus grand nombre de vivants se côtoie, les mouches et les moustiques sy concentrent, les grands animaux épient, même les champignons y sont plus nombreux. Boulevards-glacis hors déchelle, parkings-océans de bitume noir, friches industrielles, canaux infranchissables, anciennes voies ferrées, forts abandonnés, nos banlieues regorgent de ces espaces de lisière aux images bien souvent désastreuses. On parle de fracture urbaine, de coupure, on désigne ces lieux comme responsables de lenclavement des quartiers dhabitation. Notre imagination créatrice, qui réinvente la place, la rue, le square, la porte et tous les éléments constitutifs de la ville, est en panne devant ces lieux. Or, ces espaces, sils nont pas a priori de valeur pour un devenir tout tracé dans un urbanisme de profit foncier, portent en eux une disponibilité, constitutif fondamental de lespace public urbain. De nulle part et donc considérés comme à personne, ils peuvent facilement devenir les espaces de tout le monde. Les jeunes, ceux qui nont pas encore leur lieu, ne sy sont pas trompés. Ni les logiques commerciales de la grande distribution. Investir un espace vu de loin par tout le monde. Pouvoir y rester sans quon vous questionne sur votre présence. Y voir les autres et sy montrer. Et quand les apprentissages de la vie sociale dans le quartier sont établis sur laffirmation dune culture commune affichée comme un laissez-passer, cest linitiation au camouflage qui se joue à la lisière, lapprentissage de lanonymat, de la capacité à se fabriquer un visage, un comportement, une identité acceptable pour les autres. Lapprentissage de la politesse, de lurbanité finalement ? Bien mieux que la place, la maison de quartier, le centre social ou lécole - ces équipements implantés selon un urbanisme nombriliste - et pourtant dans un rapport de proximité qui permet à chacun de sy trouver naturellement en rentrant chez soi, la lisière ne serait-elle pas le lieu daccueil et de développement de la nouvelle démocratie urbaine ?
«arpenteurs» |